On ne comprend plus rien. C’est le titre d’un film, à peu près (https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=1000013459.html), c’est aussi la chanson-titre de notre vie d’aujourd’hui. Il y a les banlieues, certes, les règlements de comptes, les jeunes, les insultes, l’incivilité comme on dit, mais il y a le reste et le reste est bien pire, c’est la mère (disons le père pour être précis) de tout cela. « vous seriez bien plus dans la merde » (si la France n’était pas là pour vous sauver NDLR) hurlait Macron devant les sinistrés de Mayotte.
Bien non, la merde, c’est lui, ses semblables, les politiques, les dirigeants, les systèmes politiques hors peuple, la démocratie sans le démo. À un point tel que hurler des mensonges, des chats mangés par les immigrants, constitue une meilleure campagne électorale que ces « au service de la Nation » perroqués par les politiciens classiques. Cette inversion du discours est en lien direct avec la violence populaire, c’est dire, effectivement, que l’on peut autant croire à Ubu qu’à Spinoza.
Dans le gouvernement qui prend forme en France (enfin, ça fait maintenant six mois qu’il prend forme), il y a deux ministres qui trainent des casseroles, le Premier ministre et la ministre de la Culture. Et on n’a pas fouillé partout. L’un pour une suspicion de fraude à l’emploi, l’autre pour corruption dans l’empire Ghosn, le type qui a été exfiltré du Japon dans une boite, ancien patron de Renault et de Nissan, les deux aujourd’hui malades de sa gestion, le Musk de l’époque.
Revenons à Paris. L’expression-clé du président français, « en même temps », prend ici tout son sens. En même temps, il y a ce cafouillage politique où tous veulent être calife à la place du calife, et pour cela, on multiplie le nombre de premiers ministres, une floppée depuis la présidence Macron avec une envolée après la dissolution de l’Assemblée nationale. Ils passent, puis donneront des conférences à 200000 euros pièce, vendront leurs secrets d’État à des entreprises, puis recevront chacun un accompagnement policier (une « protection ») et une voiture jusqu’à la fin de leurs jours et même après quand leur épouse bénéficiera, 30 ans plus tard, de cet héritage alors que leur mari aura été oublié depuis longtemps et que ce seul oubli constituera une protection encore plus efficace que celle que les citoyens continueront quand même de payer jusqu’à la nuit des temps. En France, des centaines de millions d’euros sont ainsi dépensés pour toutes sortes d’avantages attribués aux anciens élus.
Ce n’est pas d’hier, ces casseroles : Sarkozy, ancien président de cette société bananière d’où nous écrivons ces lignes vient d’être condamné « à nos frais » toujours, parce que lui ne paie rien. Il va se battre comme un Trump jusqu’en Cour européenne des droits, dernier recours contre la Cour de Cassation (la plus grande du pays). Dans ce pays de l’état de droit, l’ex-président Sarkozy s’outrage d’une justice, « devenue injuste » après Lui, qui ne serait plus celle qu’il infligeait généreusement à ses opposants quand il était chef, c’est à dire la justice de la Karcher. Lui se contentera d’un bracelet et peut-être quelques autres bijoux s’il est « positif » aussi dans les autres procès qu’il s’apprête à subir.
Il y a plus important : le crime de Mazan, le nom du village de 6000 habitants, que l’on gardera en tête pour éviter de citer celui de son principal auteur, son mari, un nom qu’elle porte encore. 51 hommes se sont succédé durant des années dans la chambre pour violer Gisèle Pélicot, droguée par son mari et mise à la disposition de ces 51 salopards que l’un de leurs avocats décrira à l’issue du procès comme « ces garçons », suggérant par là des condamnations « trop sévères », entre 1 an et 15 ans pour ceux-là alors que Pélicot obtiendra le maximum, mais quand même une plus petite peine que celle infligée à sa femme.
Certains des « garçons », ont lancés des commentaires affligeants, malgré des peines jugées peu sévères, bien moindres que celles les réquisitoires. Et cet avocat qui hurlait à la sortie du tribunal à l’encontre des femmes qui suivaient le procès : des « hystériques…des tricoteuses.. » Les sorcières de Salem en 2024.
Toujours important, Mayotte. Une ile devenue « département français » il y a quelques années, au même titre donc que le Pas-de-Calais ou les Pyrénées atlantiques, mais abandonnée au titre d’une colonisation moderne.
Mayotte est devenue département français au cours d’un long périple politico-administratif commencé en 1974 et terminé en 2011 après une série de référendums et de lois, malgré tout, trop peu ou pas assez pour établir un tel changement surtout quand il n’existe rien de concret pour asseoir les promesses. Mayotte voit régulièrement des manifestations pour rappeler les engagements, sans effet, Mayotte reste un département en crise permanente et le plus pauvre des départements.
Il existe un fort contentieux avec les Comores voisines et quoi qu’on en pense, le passage d’une culture locale ancienne vers une culture française et pratiquement « parisienne », certainement un concept républicain français, n’a pas pu se réaliser et on peut aussi se demander si les autorités françaises ont jamais voulu qu’il se réalise comme l’ont souligné plusieurs économistes (France-info 23 décembre 2024 par exemple).
Les objectifs. les promesses qui, rappelons le, ont amené ce rattachement à la France sont très loin d’être atteints selon les termes des autorités européennes et françaises : « déblocage de fonds européens pour développer des actions prioritaires dans le but de favoriser l’accès à l’eau, l’accès à l’éducation, résorber les habitats insalubres et de mieux gérer les éventuels risques de dérapages financiers« . Une référence : Le Point magazine, « Départementalisation de Mayotte : une bombe à retardement, selon la Cour des comptes [archive] », sur Le Point, 13 janvier 2016, il y a huit ans.
On imagine mal comment, après le sinistre de décembre 2024 les Mahorais auraient pu être « bien plus dans la merde » sans ou avec la France. Presque tout l’habitat est détruit, il n’y a pas d’eau courante ni même de réserve d’eau, seulement de l’eau polluée que les habitants avalent avec les microbes qui y sont associés. Plus de téléphone, de communication, plus d’électricité, plus de nourriture. En temps « normal », pour l’eau, il faut lire l’avertissement de l’UNICEF : https://www.unicef.fr/article/mayotte-un-acces-a-leau-potable-presque-impossible/
Selon la phrase célèbre du Président : « qui aurait pu croire » à propos du dérèglement climatique, ce n’est pas le gouvernement français qui aurait pu : pas de prévention, pas de stocks à proximité (la plus proche terre française est à 1400 km), pas de bateau prêt à charger, pas d’avions, aucune mesure de conservation, au point que l’on se demande à quoi aurait pu servir Mayotte au gouvernement français ? Une base avancée? Le port ? Une tête de pont de quelque chose ? Et on se demande pourquoi un gouvernement français s’intéresserait à une ile de 400 000 habitants, secouée par des cyclones et des problèmes sociaux ». Un projet quelconque a-t-il déjà existé pour Mayotte, une idée perdue dans les couloirs du pouvoir ?
Plus d’une semaine après le cyclone, les routes étaient dégagées pourtant et les journalistes se demandaient avec la population pourquoi il n’y avait pas de camions qui circulaient pour distribuer l’eau et la nourriture. Pourquoi n’a-t-on pas utilisé Starlink ? Pourquoi n’y a-t-il pas ou presque pas d’hélicoptères ou d’ambulances aériennes ? Des Mahorais voient leurs blessures s’aggraver, certains n’osent pas demander d’aide par crainte d’être déportés. Le énième Premier ministre nommé par le président pour tenter de faire disparaître le résultat de Sa dissolution de l’Assemblée nationale (il évince les gagnants pour maintenir son gouvernement de droite), François Bayrou qui cumule son poste de maire de Pau et de Premier ministre, a répliqué aux personnes qui lui reprochaient d’aller à Pau plutôt qu’à Mayotte après le cyclone, que « Pau c’est en France ».
Ce n’est pas que la politique qui est bloquée, doctrinaire, c’est l’économie aussi. Ministre après ministre, on ne cherche jamais à financer un projet (y a-t-il un projet ?), on cherche à diminuer les services, à les limiter pour « rester » dans un budget par ailleurs gonflé par les dépenses somptuaires, par de l’incapacité à gérer, traduite dans les faits par un déficit gigantesque.
Personne ne cherche à financer la reconstruction de Mayotte, ni d’ailleurs la comprendre, en saisir le sens, ce qu’elle sera et qui elle impliquera. On ne cherche pas plus à financer les retraites, mais à les limiter sachant qu’elles coûteront de plus en plus cher et qu’on « n’y peut rien ».
La fixette sur la retraite par répartition, l’intouchable hiérarchie sociale empêche tout « bougé » dans ce domaine – c’est le mot à la mode. Tant pis si des citoyens qui ont travaillé toute leur vie reçoivent 900 euros par mois, c’est tout ce qu’on peut faire, on n’a plus d’argent ! La politique française est « convenue » soumise à une réalité qui n’existe que dans la tête d’élites héréditaires. L’un ne savait pas ce qu’est un hectare. Il était ministre de l’agriculture. Et les pommes « moi non plus » il ne savait pas le ministre Lemaire.
Jacques Parizeau, ancien Premier ministre du Québec et brillantissime économiste disait qu’il faut d’abord se demander si un projet doit être réalisé puis trouver le financement pour le faire et non pas le contraire. Augmenter les frais de scolarité ? La réponse est non et il faut trouver le moyen de financer le système. Réduire les retraites, allonger la durée du travail ? Non, il faut mieux financer les retraites. Au Canada, un gouvernement a puisé dans le fonds de l’Assurance-chômage pour combler un trou. En France, l’État est allé jusqu’à « intégrer », c’est à dire saisir, les régimes de retraite particuliers (avocats par exemple), plus riches, pour les diluer dans le régime général trop pauvre. Niveler par le bas dit-on.
Nous n’entendons jamais parler de projet de société en France. On y parle de République, mais autant de République cleptomane que de République communiste, comme si c’était la même chose. On n’y comprend plus rien, on ne sait pas ce qu’on va nous faire et les Français, si résignés, se disent prêts à suivre les oukases pendant que la nation sombre dans la folie du marché. Donc, voilà !