Covid : faut-il tout recommencer ?

Et s’il fallait tout recommencer…

L’histoire de la Covid montre deux approches : celle que nous pourrions appeler « la chinoise », qui a été aussi celle de plusieurs pays, Nouvelle-Calédonie, Vietnam, Taïwan parmi d’autres et celle qui a été retenue par le reste du monde.

Cette première approche a consisté en une réponse rapide et un confinement drastique, sans concession accompagnée d’une logistique sérieuse en corrélation avec un système élaboré de contrôle des citoyens. La Chine a confiné tout d’abord une ville en prenant en charge l’intendance. Les habitants restaient dans leur appartement et la nourriture leur était apportée au pied des immeubles. Un hôpital a été construit en quelques jours devant des médias médusés.

Dans des pays plus démocratiques, des mesures tout aussi sérieuses ont été prises : fermeture des frontières, confinements, mesures sanitaires, identification et suivi des personnes contaminées en utilisant des moyens intrusifs, mais avec le consentement éclairé des citoyens.

Dans tous ces pays, les contaminations se sont arrêtées ou ont été réduites à un  niveau où il est devenu possible de dépister, isoler et soigner tous les nouveaux cas. Encore aujourd’hui, ces pays ne connaissent que de petites éclosions, de quelques dizaines de personnes, souvent issues de passages de frontières qui ne sont jamais complètement étanches. Il n’y a plus de contamination communautaire. Parfois des décès peuvent  survenir, mais ils sont extrêmement rares. Dans une région du monde qui abrite le tiers de la population mondiale, le résultat de la lutte contre la Covid est remarquable.

Dans le reste du monde, où l’on invoque des motifs de liberté, d’impossibilité de contraindre les citoyens à des mesures sévères, les contaminations régionales sont devenues rapidement continentales. Les gouvernements ne se sont pas entendus sur les mesures à prendre dans des ensembles ou des fédérations, Europe, États-Unis, Canada. Ils n’ont pas non plus écouté ni compris les avertissements donnés par d’autres pays, comme l’Italie ou la Chine et ont agi beaucoup trop tardivement et sans aucune préparation. Les masques, les blouses, les respirateurs, les procédures, rien n’était prêt, même si de nombreux spécialistes avaient décrit depuis des années ce qui allait se passer en cas de pandémie.

« Nous allons vivre avec le virus », déclarait le président français. Il s’agissait donc pour lui de ne pas tenter d’éradiquer le virus, ce qui était encore possible. D’autres gouvernements ont évoqué une immunité collective, ce qui apparaissait farfelu par la plupart des scientifiques et nombre de citoyens « ordinaires ». Il aurait fallu, pour la France, que plus de quarante millions de personnes soient infectées, sans d’ailleurs que l’on soit sûr qu’une infection colossale puisse garantir une quelconque immunité. Aux États-Unis, il aurait fallu que près de deux cents millions de personnes soient infectées (il y en a eu depuis janvier 2020 moins de 28 millions), et en Chine, plus de 700 millions…

Et pour une immunité médicalement atteinte, ou mixte, qui combinerait à la fois les infections et les vaccins, il faudra évidemment que le même nombre de personnes soient traitées ou infectées. C’est dire qu’il faudra vacciner plus de quatre milliards d’individus. Au rythme actuel atteint par les pays riches, cet exploit est loin de pouvoir être réalisé en quelques mois, sans compter les risques de ratés, les arrêts de production de vaccins, les pertes. Il faudra peut-être aussi traiter des animaux, de plus en plus touchés par la Covid. On ne sait pas encore comment le virus voyage entre les espèces, mais on sait déjà qu’il infecte des élevages, des animaux de zoos, des animaux domestiques.

L’erreur fondamentale de nos gouvernements ? Un déconfinement trop rapide et sans suivi des petits foyers qui se développaient ici et là. Cela a conduit à faire plusieurs confinements dans tout le pays (au lieu d’isoler les régions touchées), plusieurs couvre-feux et plusieurs séries d’autres mesures qui ont épuisé les citoyens. Pendant ce temps, le virus a muté, il a touché de nouvelles espèces, créant ainsi des réservoirs de virus qui pourront nous réinfecter périodiquement (comme la grippe) et créer des variants plus dangereux. Plus on attend et plus il y a de mutations et de réservoirs animaux.

C’est aussi pour ces raisons (c’est la manière dont se propage un virus) qu’on ne peut pas confiner seulement les vieux : le virus continuerait de se propager chez les jeunes et conduire aux mêmes résultats.

Des spécialistes et des gouvernements se posent aujourd’hui la question du départ : faut-il éradiquer le virus ou « vivre avec » ? La chancelière allemande qui pensait probablement que son pays avait des moyens suffisants pour soigner tous les citoyens au printemps 2020 annonce aujourd’hui qu’elle veut éradiquer le virus, ramener les contaminations à zéro. C’est toujours possible dans une région, un pays, mais il faut être rapide et il faudrait que la planète entière veuille aussi faire disparaître le virus.

L’Allemagne connaît les mêmes problèmes que ses voisins : fatigue des soignants, multiplication des « clusters », surcharge des hôpitaux. Pourquoi éradiquer la Covid ? Les statistiques nous apprennent que le virus se transmet aussi en été, qu’il peut rester à un niveau très bas durant l’été, pour exploser à l’occasion de phénomènes encore mal compris, changement de saison, d’habitudes de vie des citoyens, d’afflux de touristes, de voyages. Ce n’est pas une grippe, c’est  un virus qui peut prendre des formes virulentes, s’installer dans une région du monde ou coloniser définitivement la planète. Pour l’instant, on ne sait pas vraiment ce qu’il va faire, mais l’on sait ce qu’il pourrait faire.

La docteure Joanne Liu, qui connaît bien les épidémies pour les avoir combattues dans plusieurs pays, se demande aussi si l’éradication du virus n’est pas un passage obligé pour mettre fin à toutes les conséquences de la pandémie actuelle, qu’elles soient sanitaires ou économiques. Rien ne dit en effet que ce virus ou un virus « dérivé » n’empoisonnera pas la santé et l’économie mondiale durant plusieurs années. Penser autrement nous apparait comme un pari dangereux. Quelle serait la détresse psychologique et économique, que deviendrait l’éducation si la pandémie se poursuivait, même à « bas bruit », durant plusieurs années et avec d’autres explosions aléatoires ? Il faut envisager de reprendre la lutte contre la Covid, peut-être pas en reconfinement totalement comme au premier jour, mais en mettant en place toutes les mesures nécessaires sans les restreindre pour des raisons strictement économique, politiques…ou électorales.

Il y a des conséquences politiques au laxisme qui a conduit à la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Sans la Nouvelle-Zélande, Taïwan ou la Corée, nous aurions pu croire qu’un gouvernement autoritaire comme celui de la Chine était un modèle d’efficacité supérieur aux nôtres, le seul capable de résoudre des problèmes planétaires auxquels nous serons confrontés, tels que des crises économiques, sanitaires, humanitaires.

Cependant, des pays démocratiques, la Nouvelle-Zélande et d’autres sont parvenus à traverser cette crise comme la Chine, mais avec des méthodes consensuelles et surtout en dehors d’un système de repérage des citoyens pour d’autres usages que la lutte contre la Covid. Les échecs et les errements de la plupart des autres pays ont clairement montré les carences des formes de gouvernement majoritaires en Europe et en Amérique. Nous avons été débordés, même en considérant que d’autres facteurs culturels ou médicaux aient pu aggraver les conséquences de la Covid dans les pays les plus touchés.

Le véritable enjeu de cette inévitable comparaison avec la Chine, c’est l’efficacité de la gouvernance pour définir et réaliser un projet de société libre et consenti, en opposition à un projet de croissance absolue porté par la consommation et le contrôle de la population. C’est l’invention d’une forme de démocratie intelligente, évolutive, vraiment représentative en opposition à la dictature efficace. La bataille contre la Covid n’a malheureusement pas démontré l’intelligence ou la supériorité de la démocratie statique dans laquelle nous vivons, sauf celle de quelques rares pays. Voilà l’enjeu du 21è siècle.

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A propos alaincognard

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2 commentaires pour Covid : faut-il tout recommencer ?

  1. Christiane Cadieux dit :

    Merci infiniment!
    Une lecture que je ne manque pas à chaque envoie.

    Téléchargez Outlook pour iOS
    ________________________________

    • alaincognard dit :

      Salut Christiane, Merci pour les compliments. JE vais bien, et toi aussi, j’espère. Je vais t’envoyer un petit mot avec FB/messenger. J’ai hâte de te voir avant de m’installer en France, à moins que l’installation se fasse ici. En France, c’est pas top…Bisous.

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