Il y a quelque chose d’indécent…

Il y a quelque chose d’indécent dans l’entêtement du gouvernement français à faire perdurer un régime de retraite injuste et condamné : le régime par répartition.

La raison officielle invoquée, c’est de maintenir ce système à tout prix parce qu’il est menacé. Le nombre de personnes qui travaillent pour payer les pensions des retraités diminue de plus en plus au point de ne plus pouvoir être viable d’ici quelques années. Le gouvernement prétend sauver ce système parce que le nombre de cotisants ne diminuera plus après 2030 et qu’il faut quand même repousser l’âge de la retraite à 64 ans pour finaliser le sauvetage de la répartition.

Bien évidemment, le régime est condamné. Rien n’indique qu’il y aura, un jour, assez de cotisants au travail ou moins de retraités pour maintenir le système. Rien n’indique non plus qu’en contraignant les actifs à travailler jusqu’à plus d’âge sauverait le système. Beaucoup de facteurs sont inconnus. Les crises économiques, le chômage pourraient plomber un équilibre précaire. Elles ne disparaitront pas comme le gouvernement semble le croire, parce qu’elles constituent des aléas nécessaires pour éliminer les bulles créées par nos comportements, tout comme les guerres ou les orages écologiques. Le gouvernement français évoque « les autres pays d’Europe », qui reculent périodiquement l’âge du départ à la retraite, comme l’Allemagne, qui vise 67 ans !

Cette croyance que la répartition peut survivre affirme que l’on vit de plus en plus longtemps « et en bonne santé », ce qui justifierait de travailler plus longtemps. La réalité est plus complexe : plus on vieillit, moins on est capable de bien réaliser un grand nombre de tâches. Curieusement, pour ces théoriciens politiques, l’amélioration des conditions de travail, la robotisation, au lieu d’autoriser une retraite à 60 ans, permettraient aux personnes plus âgées de travailler sans effort et donc plus longtemps. Mais pourquoi ? Si certaines personnes restent en excellente forme à 60 ou 70 ans, d’autres, celles qui ont commencé à travailler très tôt, celles qui ont connu la maladie, celles qui ont travaillé fort, ont une espérance de vie inférieure de six ans à celle des plus favorisés. On parle bien ici de classes sociales et d’inégalités entre les citoyens et les citoyennes, qu’il s’agisse de genre, de classes de travailleurs et même d’origines ethniques, éloignées ou pas.. Un régime de retraite juste devrait au contraire mettre en place une solidarité qui reconnaîtrait à tous citoyens un droit de s’arrêter quand il est encore temps et un droit de remettre à zéro les inégalités dont il et elles ont souffert au cours de leur vie. Pour eux, il reste en effet à peine 10 ans de vraie retraite et la plupart du temps, en mauvaise santé. Quand on meurt plus tôt, en général, on est aussi malade plus tôt…

Comme le montrait un ministre, sa réforme ne fera que constater et pérenniser à la fin de la vie les inégalités de la vie au travail !

Loin d’être un simple problème comptable géré par des actuaires libéraux improvisés, la retraite est un déterminant socio-économique. Ce n’est pas un simple problème de déficit. C’est un choix de société et non pas un programme de parti politique. Une fois exprimé démocratiquement par les citoyens, dans la rue, par les syndicats, voire par une consultation bien informée (pas un simple référendum sans débat) le pouvoir doit examiner les possibilités de financer le choix de la population et abandonner le sien.

Il existe pourtant beaucoup de moyens de réformer le régime de retraite par répartition, d’en faire un hybride. Les arguments utilisés pour dire que le système par répartition est viable montrent au contraire au contraire qu’il peut et doit être changé. Dans sa communication, le gouvernement prétend éviter l’augmentation des impôts en reculant l’âge de la retraite. En fait, ce n’est qu’une seule et même chose : faire travailler plus longtemps, c’est aussi un impôt en nature. À condition évidemment que ces années de travail puissent être créées dans une économie qui met bien des travailleurs au chômage après 55 ans. Mettre à l’amende les entreprises qui ne conserveront pas assez de vieux travailleurs ne créera pas de l’emploi.

Dans plusieurs pays, les salaires des générations montantes connaissent des augmentations importantes qui compensent, en partie, le déficit de cotisants. L’égalité entre les femmes et les hommes (et pas seulement l’égalité salariale) aurait le même effet. Les gains en productivité, la robotisation, l’informatique pourraient à la fois créer un système de retraite plus équitable et poursuivre le mouvement de réduction du temps de travail hebdomadaire que connaissent les meilleures économies. De fait, la durée des vacances annuelles, la durée de la semaine de travail connaissent de grandes variations d’un pays à l’autre. Là encore, il s’agit de projets sociaux, chaque société vivant et finançant celui qu’elle a adopté…

Tout cela ne se produit évidemment que lorsque cette évolution sociale se produit effectivement, à l’encontre de propositions libérales qui visent à sauver la consommation plus que le régime par répartition. Il faut que l’ascenseur social fonctionne, ce qui n’est pas le cas en France. La baisse du chômage sur papier, la création importante de nouvelles entreprises, chère au gouvernement, ne reflètent pas toujours une économie saine, mais une paupérisation de l’économie. Travail à temps partiel, microentreprises génèrent des revenus inférieurs, des cotisations inférieures et des retraites inférieures. Mille euros par mois, comme entrepreneur, chômeur ou retraité, cela reste inacceptable. Quand, en plus, l’État revendique une captation de ces faibles revenus pendant quelques années de plus pour préserver la retraite par répartition et, pourquoi pas comme il l’annonce, éponger d’autres déficits, c’est une bombe socio-économique qu’il peaufine, pas une réforme des retraites.

L’évolution la plus probable et la plus juste du système par répartition consisterait justement à l’abandonner, en établissant un régime mixte associé à d’autres mesures plus ou moins directement reliées à la retraite. En passant, il faut rappeler que, partout dans le monde, les disparités dans les régimes de retraite ont été d’abord un moyen de négocier les conventions salariales : dans la fonction publique, dans plusieurs métiers, les patrons ont trop souvent troqué un salaire juste contre le mirage du financement patronal d’une bonne retraite. Aujourd’hui, ils voudraient bien reprendre leur cadeau au prétexte de rétablir l’égalité…

Au Québec, outre le régime de pension du Canada, il existe un régime géré par le gouvernement en plus de régimes privés. Les prestations générées par ces régimes sont meilleures que les Françaises. Le système est soutenable sur de longues périodes, complété par une grande variété de régimes de pension privés financés par les employeurs et les employés. Il existe donc des différences importantes parmi les retraités. Certains régimes de pension sont extrêmement riches (Enseignants ou policiers) grâce à la fois à des cotisations importantes et à une gestion performante. Des corps policiers reçoivent une pension après seulement 25 années de service… Dans l’ensemble, il est vrai que le système est inégalitaire puisque tous les citoyens n’ont pas accès à des régimes privés, néanmoins, ces régimes ne nuisent pas aux autres retraités dans la mesure où ils sont entièrement autofinancés et ne connaissent pas de déficits comblés par l’État, ce qui n’est pas toujours le cas dans la fonction publique par exemple. Enfin, pour réduire d’éventuelles inégalités dans les revenus à la retraite, le moyen choisi par Fidel Castro existe encore : l’impôt, largement utilisé par les États, mais pas toujours pour réduire les inégalités.

Toujours au Canada, il existe aussi un système d’épargne-retraite (RÉER). Le montant versé dans un compte spécial est déduit de l’assiette de l’impôt de l’année en cours (une économie d’impôt variable selon le salaire). Le montant déposé au cours des années auquel s’ajoutent les revenus d’intérêt ou de gains en capital sera imposé au taux en cours au moment du retrait, en principe plus élevé si les revenus globaux augmentent avec l’âge. Cela fait dire que ce régime d’impôt différé n’est pas avantageux pour le contribuable qui pourrait payer plus d’impôt qu’il n’en a économisé, mais en réalité c’est une épargne qui peut devenir considérable à l’âge de la retraite, soit plusieurs dizaines – ou centaines – de milliers de dollars, en plus de constituer un coussin financier en cas de problème puisqu’il est possible de retirer des fonds en tout temps à condition d’ajouter le retrait au revenu de l’année.

Plus révolutionnaire : deux syndicats québécois ont créé leur propre régime d’épargne-retraite (Fonds de Solidarité FTQ et Fondaction CSN). Sauf cas spéciaux, il n’est pas possible d’effectuer des retraits avant la retraite. Les montants déposés donnent droit à une économie d’impôt encore plus grande qu’avec le RÉER, et les fonds reçus des cotisants sont utilisés pour soutenir le développement économique du Québec. Ces fonds peuvent, par exemple, détenir une part importante du capital d’une entreprise afin d’éviter qu’elle soit rachetée par une société étrangère, ou encore, accorder des prêts. Ils sont en quelque sorte les pendants ouvriers des fameux pensions funds nord-américains, si décriés en Europe et ils viennent pallier l’immobilité des États en matière d’égalité et d’orientations économiques.

Les rendements de ces fonds « syndicaux » sont excellents sur le long terme et sont accessibles par un plus grand nombre de travailleurs. Ils constituent un pas très important vers la participation des employés au capital des entreprises et pas seulement dans le capital de leur employeur et ont un poids non négligeable dans les choix économiques et industriels du pays. Il y a là une expérience d’investissement, d’intégration dans son système économique qui est crucial pour le développement d’une économie moderne et pour le rééquilibrage dans les systèmes de retraite.

Enfin, il faut dire que la vie en société n’est pas (seulement) une question de chiffres. Ce n’est pas en basant les revenus des citoyens à la retraite (et même bien avant) sur leur participation à l’élaboration de la société que l’on forge une société cohérente et heureuse. Toue le monde ne vit pas la même vie. Certains, travaillent plus, d’autres connaissent des passages à vide et il est normal que ceux qui « réussissent » payent pour ceux qui « ne sont rien », les « sans dents ». C’est le principe même de solidarité, de l’assurance, de l’assurance sociale. Quand on veut faire société, il faut d’abord définir ce que l’on veut, puis voir comment on peut le financer, pas le contraire. La France, à cet égard n’a pas à s’aligner sur les autres pays d’Europe qui, par ailleurs, en matière de travail et d’organisation de la vie sociale ont élaboré des systèmes différents, parfois au prix d’une précarité systémique.

En matière de retraite, s’il est vrai que travailler au SMIC toute sa vie ne donne pas une meilleure retraite que lorsque l’on a à peine travaillé, il faut augmenter la retraite de la personne qui a travaillé et non pas diminuer celle de la personne qui a travaillé moins. Les humains sont des êtres grégaires et sociaux. C’est la diversité des individualités qui cimente l’ensemble : artistes, lanceurs d’alerte, entrepreneurs, délinquants, bénévoles généreux sont des révélateurs de nos sociétés, des êtres réels que les rouages démocratiques se doivent de régler, d’harmoniser, de reconnaître. Les citoyens ont droit à des moments de paresse, à un métier moins dur, à des pauses, volontaires ou pas, àde nouvelles études, à une formation continue, ils ont le droit d’être faibles et je crois que les excès sont rares lorsque la société que l’on crée est intéressante, libre, consensuelle. L’intérêt est le principal moteur, comme la possibilité de réaliser sa vie comme on le veut. Ne pas pénaliser, ne pas exclure sont les clés du progrès. Généralement, tous les citoyens veulent travailler et seul un très petit nombre cherche à se soustraire à l’effort collectif ou à en profiter. Souvent même, avec raison, avec des motifs valables comme celui de ne pas être embrigadé dans un groupe confus, résigné. La dissidence a une valeur inestimable et il n’est pas vrai qu’elle entrainera le chaos si on ne l’éradique pas, bien au contraire.

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Revoir Bilan Covid

On se doutait bien que cela arriverait : nous n’en sommes pas loin ou peut-être y sommes-nous déjà. Alors, le refus des vaccins, préserver l’économie, vivre avec la Covid, tout cela risque d’apparaître bien futile si nous ne prenons pas la voie du zéro Covid. Prima fascie, laisser courir un virus en espérant qu’il disparaisse n’est pas une très bonne idée…Pourtant c’était celle de l’Occident.

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Le réveil ne sonnera pas

En 2019, Transat AT, l’un des transporteurs les plus cotés au monde, a conclu un accord avec Air Canada pour être rachetée par cette dernière pour 13 dollars par action. Devant une levée de boucliers, malgré que Transat était prête à accepter cette offre misérable, Air Canada a remonté son offre à 18 $ par action. Le genre de négociation que l’on trouvait jadis dans le bazar d’Istanbul.

Dans la valeur de l’action d’une entreprise de transport aérien, il y a bien sûr ce qui est tangible et facile à évaluer, comme les actifs, immeubles, avions, et la valeur des destinations, c’est à dire des lignes que l’entreprise exploite.

D’autres éléments entrent aussi dans le prix d’une action. Ils sont souvent la partie la plus intéressante, le savoir-faire. C’est la possibilité d’exploiter une entreprise clé en main, alors même qu’il serait difficile pour l’acheteur de créer une entreprise identique, bien rodée, bien polie. Le personnel, son engagement, sa fidélité, sa compétence, l’ingéniosité de l’entreprise, ses projets en cours, les ententes avec les hôtels et même l’expérience accumulée (qu’un acheteur n’aura pas besoin de refaire) par les projets qui n’ont pas bien fonctionné, tout cela compte dans le prix de l’entreprise.

Enfin, lors de l’acquisition d’un concurrent, c’est le cas pour Air Canada, l’acheteur « achète » en plus sa disparition, c’est-à-dire la possibilité de hausser les prix, de diminuer la qualité (une évidence pour Air Canada) sans pénalité et de ne pas avoir à gérer en catastrophe le concurrent que l’on plagiait au jour le jour. Chaque fois que Transat inaugurait une destination, Air Canada la singeait, aux mêmes heures. La mauvaise monnaie chasse la bonne dit-on en économie.

Nous pouvons imaginer, connaissant ses pratiques, qu’Air Canada va apprendre beaucoup de Transat, à moins qu’elle ne s’intéresse qu’à ses Airbus neufs (une très belle flotte) et prétende que son concept de voyage, celui de sa filiale « Rouge », constitue un meilleur modèle. Le lecteur a le droit de rire.

Malgré un contrat d’achat signé, Transat a continué ses opérations et les projets en cours, parmi d’autres, le fret aérien. Elle a tout fait pour conserver son personnel et ses avions. 

L’entreprise venait de revoir la partie hôtellerie. Elle venait aussi d’accumuler un trésor de guerre après avoir vendu plusieurs divisions.

Malgré les protestations du conseil d’administration, les actionnaires de Transat pensaient en 2019 qu’Air Canada payait l’achat de leur entreprise avec l’argent accumulé dans cette dernière. Venaient gratuitement les avions et le reste. Même si cette évaluation n’est pas exacte, elle montre l’état d’esprit des actionnaires et surtout du public et des clients au moment de la vente.

Si Transat est aujourd’hui immobilisée, avec l’aide d’Ottawa ou d’Air Canada, peut-être des deux, sa valeur nous apparaît intacte. Air France-KLM a perdu 7 milliards et Air Canada 2 milliards. Une fois la pandémie calmée, chaque pays, chaque compagnie reprendra ses vols…ou pas, en fonction de l’aide accordée par les gouvernements. Au Canada, il restera une compagnie de transport aérien, mais pas deux, et il est clair que l’Europe aura élargi sa part du marché canadien après la disparition de Transat, rachat ou pas. Ni le Canada ni le Québec n’auront gagné quoi que ce soit.

Tout le monde connaissait les intentions et les capacités d’Air Canada. Son président aurait communiqué des dizaines de fois avec des ministres et même avec le Premier ministre canadien ; un peu d’imagination suffira pour reconstruire l’essentiel des conversations.

Pendant plus d’un an, ni le ministre Garneau, ni personne à Ottawa n’a rien dit à propos de l’aide que le gouvernement devait accorder aux transporteurs aériens. Le ministre d’alors et le président d’Air Canada ne sont plus au poste et nous ne savons rien de la politique de relance (s’il y en a une) de l’industrie du transport aérien au Canada. Il faudrait peut-être une commission d’enquête pour les faire parler : y a-t-il eu une stratégie commune pour couler Transat et permettre à Air Canada de se l’approprier en « sortant » de ses ententes ? Ou simplement la confusion coutumière ?

On dira ce qu’on voudra, mais le désastre de Transat est emblématique. Rappelons-nous la fonte de Bombardier et le cadeau fait à Airbus, conséquence de l’absence de politique économique canadienne à long terme. Sur les aéroports des pays baltes, on ne voit que des CSeries. Plus de 600 CSeries ont été vendus. Pour revenir au transport, Air Canada abandonne des destinations et il faut toujours 18 heures de train pour rejoindre la Gaspésie, une région que l’un de nos grands dirigeants voulait simplement fermer !

L’économie d’un pays dépend d’un certain nombre d’agents dont les profits ne se chiffrent pas toujours en dividendes : on sait que le transport aérien est fragile, mais il est indispensable, tout autant que les routes ou les trains. Tous les pays n’ont pas de transporteur aérien, mais ceux qui en ont maîtrisent une partie stratégique de leurs activités commerciales et touristiques. Les compagnies d’aviation servent de support à leur commerce international, au tourisme et sont en même temps la clé de leur développement aéroportuaire. Et, quand il existe, celui de son industrie aéronautique. C’est étonnant qu’aucun de nos dirigeants n’ait vu cela.

Jean-Marc Eustache, le président de Transat AT qui a fait de cette entreprise l’un des fleurons du Québec, selon l’expression consacrée, n’a pas parlé. Il semblait plutôt désabusé, allant même jusqu’à suggérer lors d’une assemblée d’actionnaires qu’il était impossible pour un transporteur de faire un profit raisonnable, le moindre facteur, la moindre concurrence – souvent déloyale – venant ruiner l’excellence d’un concept. Il avait bien fait son travail durant des années, et il est évident qu’il aurait fallu qu’un acheteur intelligent ou une nouvelle équipe « réinvente » l’entreprise comme lui même a réinventé un modèle.  Il voulait partir, comme le loup de Vigny qui souffre et meurt sans parler.

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Covid : faut-il tout recommencer ?

Et s’il fallait tout recommencer…

L’histoire de la Covid montre deux approches : celle que nous pourrions appeler « la chinoise », qui a été aussi celle de plusieurs pays, Nouvelle-Calédonie, Vietnam, Taïwan parmi d’autres et celle qui a été retenue par le reste du monde.

Cette première approche a consisté en une réponse rapide et un confinement drastique, sans concession accompagnée d’une logistique sérieuse en corrélation avec un système élaboré de contrôle des citoyens. La Chine a confiné tout d’abord une ville en prenant en charge l’intendance. Les habitants restaient dans leur appartement et la nourriture leur était apportée au pied des immeubles. Un hôpital a été construit en quelques jours devant des médias médusés.

Dans des pays plus démocratiques, des mesures tout aussi sérieuses ont été prises : fermeture des frontières, confinements, mesures sanitaires, identification et suivi des personnes contaminées en utilisant des moyens intrusifs, mais avec le consentement éclairé des citoyens.

Dans tous ces pays, les contaminations se sont arrêtées ou ont été réduites à un  niveau où il est devenu possible de dépister, isoler et soigner tous les nouveaux cas. Encore aujourd’hui, ces pays ne connaissent que de petites éclosions, de quelques dizaines de personnes, souvent issues de passages de frontières qui ne sont jamais complètement étanches. Il n’y a plus de contamination communautaire. Parfois des décès peuvent  survenir, mais ils sont extrêmement rares. Dans une région du monde qui abrite le tiers de la population mondiale, le résultat de la lutte contre la Covid est remarquable.

Dans le reste du monde, où l’on invoque des motifs de liberté, d’impossibilité de contraindre les citoyens à des mesures sévères, les contaminations régionales sont devenues rapidement continentales. Les gouvernements ne se sont pas entendus sur les mesures à prendre dans des ensembles ou des fédérations, Europe, États-Unis, Canada. Ils n’ont pas non plus écouté ni compris les avertissements donnés par d’autres pays, comme l’Italie ou la Chine et ont agi beaucoup trop tardivement et sans aucune préparation. Les masques, les blouses, les respirateurs, les procédures, rien n’était prêt, même si de nombreux spécialistes avaient décrit depuis des années ce qui allait se passer en cas de pandémie.

« Nous allons vivre avec le virus », déclarait le président français. Il s’agissait donc pour lui de ne pas tenter d’éradiquer le virus, ce qui était encore possible. D’autres gouvernements ont évoqué une immunité collective, ce qui apparaissait farfelu par la plupart des scientifiques et nombre de citoyens « ordinaires ». Il aurait fallu, pour la France, que plus de quarante millions de personnes soient infectées, sans d’ailleurs que l’on soit sûr qu’une infection colossale puisse garantir une quelconque immunité. Aux États-Unis, il aurait fallu que près de deux cents millions de personnes soient infectées (il y en a eu depuis janvier 2020 moins de 28 millions), et en Chine, plus de 700 millions…

Et pour une immunité médicalement atteinte, ou mixte, qui combinerait à la fois les infections et les vaccins, il faudra évidemment que le même nombre de personnes soient traitées ou infectées. C’est dire qu’il faudra vacciner plus de quatre milliards d’individus. Au rythme actuel atteint par les pays riches, cet exploit est loin de pouvoir être réalisé en quelques mois, sans compter les risques de ratés, les arrêts de production de vaccins, les pertes. Il faudra peut-être aussi traiter des animaux, de plus en plus touchés par la Covid. On ne sait pas encore comment le virus voyage entre les espèces, mais on sait déjà qu’il infecte des élevages, des animaux de zoos, des animaux domestiques.

L’erreur fondamentale de nos gouvernements ? Un déconfinement trop rapide et sans suivi des petits foyers qui se développaient ici et là. Cela a conduit à faire plusieurs confinements dans tout le pays (au lieu d’isoler les régions touchées), plusieurs couvre-feux et plusieurs séries d’autres mesures qui ont épuisé les citoyens. Pendant ce temps, le virus a muté, il a touché de nouvelles espèces, créant ainsi des réservoirs de virus qui pourront nous réinfecter périodiquement (comme la grippe) et créer des variants plus dangereux. Plus on attend et plus il y a de mutations et de réservoirs animaux.

C’est aussi pour ces raisons (c’est la manière dont se propage un virus) qu’on ne peut pas confiner seulement les vieux : le virus continuerait de se propager chez les jeunes et conduire aux mêmes résultats.

Des spécialistes et des gouvernements se posent aujourd’hui la question du départ : faut-il éradiquer le virus ou « vivre avec » ? La chancelière allemande qui pensait probablement que son pays avait des moyens suffisants pour soigner tous les citoyens au printemps 2020 annonce aujourd’hui qu’elle veut éradiquer le virus, ramener les contaminations à zéro. C’est toujours possible dans une région, un pays, mais il faut être rapide et il faudrait que la planète entière veuille aussi faire disparaître le virus.

L’Allemagne connaît les mêmes problèmes que ses voisins : fatigue des soignants, multiplication des « clusters », surcharge des hôpitaux. Pourquoi éradiquer la Covid ? Les statistiques nous apprennent que le virus se transmet aussi en été, qu’il peut rester à un niveau très bas durant l’été, pour exploser à l’occasion de phénomènes encore mal compris, changement de saison, d’habitudes de vie des citoyens, d’afflux de touristes, de voyages. Ce n’est pas une grippe, c’est  un virus qui peut prendre des formes virulentes, s’installer dans une région du monde ou coloniser définitivement la planète. Pour l’instant, on ne sait pas vraiment ce qu’il va faire, mais l’on sait ce qu’il pourrait faire.

La docteure Joanne Liu, qui connaît bien les épidémies pour les avoir combattues dans plusieurs pays, se demande aussi si l’éradication du virus n’est pas un passage obligé pour mettre fin à toutes les conséquences de la pandémie actuelle, qu’elles soient sanitaires ou économiques. Rien ne dit en effet que ce virus ou un virus « dérivé » n’empoisonnera pas la santé et l’économie mondiale durant plusieurs années. Penser autrement nous apparait comme un pari dangereux. Quelle serait la détresse psychologique et économique, que deviendrait l’éducation si la pandémie se poursuivait, même à « bas bruit », durant plusieurs années et avec d’autres explosions aléatoires ? Il faut envisager de reprendre la lutte contre la Covid, peut-être pas en reconfinement totalement comme au premier jour, mais en mettant en place toutes les mesures nécessaires sans les restreindre pour des raisons strictement économique, politiques…ou électorales.

Il y a des conséquences politiques au laxisme qui a conduit à la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Sans la Nouvelle-Zélande, Taïwan ou la Corée, nous aurions pu croire qu’un gouvernement autoritaire comme celui de la Chine était un modèle d’efficacité supérieur aux nôtres, le seul capable de résoudre des problèmes planétaires auxquels nous serons confrontés, tels que des crises économiques, sanitaires, humanitaires.

Cependant, des pays démocratiques, la Nouvelle-Zélande et d’autres sont parvenus à traverser cette crise comme la Chine, mais avec des méthodes consensuelles et surtout en dehors d’un système de repérage des citoyens pour d’autres usages que la lutte contre la Covid. Les échecs et les errements de la plupart des autres pays ont clairement montré les carences des formes de gouvernement majoritaires en Europe et en Amérique. Nous avons été débordés, même en considérant que d’autres facteurs culturels ou médicaux aient pu aggraver les conséquences de la Covid dans les pays les plus touchés.

Le véritable enjeu de cette inévitable comparaison avec la Chine, c’est l’efficacité de la gouvernance pour définir et réaliser un projet de société libre et consenti, en opposition à un projet de croissance absolue porté par la consommation et le contrôle de la population. C’est l’invention d’une forme de démocratie intelligente, évolutive, vraiment représentative en opposition à la dictature efficace. La bataille contre la Covid n’a malheureusement pas démontré l’intelligence ou la supériorité de la démocratie statique dans laquelle nous vivons, sauf celle de quelques rares pays. Voilà l’enjeu du 21è siècle.

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Ministre, député, hiérarchie et populo

Un ministre ontarien et un député libéral du Québec sont allés en voyage en plein pic de la pandémie. On en a beaucoup parlé…mais pas assez.

Nous avons surtout entendu des critiques basées sur l’exemplarité : un politique doit donner l’exemple et faire ce qu’il nous implore de faire.

Sur l’injustice : pourquoi lui et pas nous ? Et chacun de dire que le ministre lui aussi respecte les règles, emporte une provision de masques et va respecter une quarantaine stricte au retour.

Nous n’avons entendu personne sur la pire conséquence des voyages de ces ignares volontaires : la contagion.

Beaucoup de citoyens invoque ce fameux respect des règles comme une défense imparable. Certains nous disent qu’enârtant, ils évitent de participer à l’épidémie locale ! On n’entend jamais une critique qui pour démonter ce qui leur apparait comme une évidence. Sauf peut-être à demi-mot par l’ensemble des spécialistes qui martèlent qu’il faut réduire les interactions entre les personnes, réduire les contacts. En termes clairs, réduire les contacts signifie que, quelles que soient les mesures prises, il faut réduire les contacts, quand même, et que c’est cela qui éteint une pandémie. Plusieurs pays l’ont démontré.

Les causes des infections ne se réduisent pas aux mauvais comportements des jeunes, des fêtards, des voyageurs compulsifs et des sportifs d’intérieur. Les comportements à risques participent aux contaminations, mais pas à toutes les contaminations.

Dans les hôpitaux, nombre de soignants ont été contaminés en prenant toutes les mesures que les meilleurs citoyens prennent et même au-delà puisque ces soignants étaient équipés de masques N95 ou FFP2 qui filtrent 95 % des virus en plus de se couvrir de blouses. Une étude récente confirme que le masque à lui seul n’est pas suffisant surtout quand le masque est un masque de procédure ou un couvre-visage.

Il faut enfin comprendre que les études sur les contaminations ne se font pas en mettant en présence des contaminateurs et des cobayes qui portent des masques à peu près bien installés et changés après quatre heures d’usage, mais en laboratoire, avec des appareils qui soufflent des bactéries au travers d’un morceau de masque. Les résultats ainsi obtenus ne reflètent jamais la réalité, les masques sont assez efficaces et on ne regarder pas où vont les quelques bactéries qui passent au travers. D’où, probablement, ce fameux 95 % de protection qui laisse 5% de doute.

Alors, pourquoi ?

Une pandémie, une infection virale ne répond pas à une logique individuelle, mais à une logique statistique, une logique collective, une logique de société. Si un million de citoyens prenaient l’avion pour se rendre au Mexique pendant une semaine, statistiquement, mécaniquement disent les Français, 1 % d’entre eux pourraient être contaminés. Parmi ces contaminations, quelques-unes seraient survenues à cause de masques défectueux, ou de moindre qualité. Les masques en tissus, par exemple, ne rivalisent pas avec les masques N95. D’autres seraient infectées pour bien d’autres raisons : par un supercontaminateur mangeant à la même table, donc sans masque, ou à cause d’une sensibilité plus grande dans le cas d’une exposition jugée non dangereuse. Ou parce que dans un avion (on a vu un cas avec Air Canada), ou un restaurant, un agent de bord avait négligé d’obliger un voyageur à remettre son masque sur le nez. Les raisons évoquées ici sont les mêmes  que nous retrouvons au sein de nos villes qui causent les contaminations communautaires – en plus des infections causées par les citoyens qui défient ouvertement les règles. Il faut enfin ajouter que l’origine des contaminations n’est fiable qu’à 60 % selon des chercheurs. Il est difficile de déterminer le lieu et la personne exacte de la contamination.

Il n’y a en effet pas de milieu stérile, où aucun virus SARS Covid-2 ne circule. Dans un avion, dans un aéroport, à la douane, à la réception des bagages, au bar, au magasin, dans les taxis ou les autobus, au restaurant, dans un ascenseur, il est probable qu’une certaine quantité de virus soit présente. Et si un million de personnes circulent dans de tels environnements, un certain nombre vont être infectées. Si toutes les mesures sont respectées, le nombre d’infections sera évidemment diminué, mais ne sera pas nul.

Ce principe s’applique à toutes les interactions, sports, restaurants, théâtres. C’est selon ce même principe que l’on ferme ces institutions, non pas parce qu’elles ne respectent pas les règles, mais parce qu’elles multiplient les contacts qui étendent la période durant laquelle nous allons souffrir de cette pandémie. Non seulement écrasons nos économies, mais nous conservons le virus en le laissant circuler, nous créons des terrains favorisant des mutations et des transmissions à d’autres espèces animales.

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Bilan Covid

À la fin du mois de janvier, le monde entier avait en main toutes les données pour comprendre comment pouvait évoluer la pandémie de Covid-19. Malgré une réponse tardive de leur gouvernement, voire une tentative pour cacher la réalité, la Chine a pris des mesures draconniennes mais essentielles : confiner tout un secteur de la Chine, sans concession, sans exception, sans dérogation.

Parmi les autres pays, des dissensions sont rapidement apparues, confortées par des gouvernements en panique. On confinait, mais tard, ou rien qu’un peu, on communiquait avec les citoyens, mais en fonction des programmes politiques et pour cacher des carences que les gouvernants ne pouvaient corriger.

Bien évidemment, dans cette communication, de multiples contradictions sont apparues. Si l’on ne confine pas tout, les choix de confinement ne peuvent qu’être « injustes ». Personne n’a les moyens de garantir que le virus ne peut pas se transmettre dans un endroit quelconque, il y a trop de facteurs qui peuvent favoriser une infection dans un endroit donné, sauf lorsque toutes les mesures sanitaires sont totalement respectées : distance, masque, aération, réduction du nombre de contacts, réduction de la densité en plus de contrôler aussi l’accès à ces lieux : transport en commun, auto, marche. C’est pour cela que la Chine a littéralement enfermé des citoyens dans leurs appartements…mais seulement pendant quelques semaines.

Au prétxte que nous, les citoyens, n’accepterions pas des mesures strictes (« dictatoriales » a-t-on dit), les gouvernements, presque tous à des degrés divers, ont imposé leur manière de ralentir la diffusion du virus. La plupart des pays modulaient leurs restrictions en fonction de la capacité de leurs hôpitaux à recevoir les personnes atteintes.

Un exemple : parmi ces pays, certains ont fixé des seuils avant d’imposer des mesures plus sévères : 30 % de la capacité des hôpitaux, ou 150 cas positifs pour 100 000 habitants ou 10 % de positivité. En France, pour la « deuxième » vague, le gouvernement a littéralement attendu que le seuil de 50 000 nouvelles infections par jour soit dépassé pour agir. Il aurait déjà été difficile de réduire la transmission du virus avec 5 000 cas quotidiens…C’est l’histoire des Horace et des Curiace.

D’autres régions ou pays ont montré que c’était plutôt la rapidité des réponses qui comptait plutôt que la réduction d’une courbe administrative. En imposant – ou suggérant quand les citoyens sont particulièrement brillants comme en Colombie-Britannique ou en Nouvelle-Zélande – des mesures restrictives immédiates, sans attendre qu’un seuil soit dépassé, ces pays ont réussi à diminuer les cas et les décès par un facteur de 10 à 50. En contrôlant les voyageurs, comme Taïwan, certains ont même réussi à ne compter aucun décès.

On connaît l’évolution typique de la pandémie. Les réunions, les vacances, la reprise de cours et du travail dans les bureaux et les industries sont des facteurs déterminants. Quand on dit qu’une personne infectée contamine 1,3 ou 1,5 personne, c’est une moyenne. En pratique, un Parisien qui va en vacances à Deauville peut bien en contaminer 20 autres qui, chacun, peuvent en contaminer 2 ou 25. Et, de cette manière, être à l’origine, avec les autres, d’un rebond spectaculaire des contaminations comme en France et en Belgique actuellement.

Cela démontre que l’argument de la protection de l’économie n’a pas de sens. On peut effectivement bloquer complètement l’économie (où la mobiliser entièrement pour résoudre la pandémie) pour quelques semaines ou quatre ou cinq mois sans grandes conséquences, mais la restreindre pendant une période plus longue, voire indéfinie est un vrai danger de sombrer dans une crise très grave. En fait, ce qui n’était qu’une sorte de correction boursière violente et incontrôlée peut créer une crise systémique en détruisant les mécanismes de réparation des crises économiques. Des pans entiers de l’économie tombent, restaurants, voyage et prendront des années à se reconstruire et peut-être une décennie.

Croire que l’ancienne économie va laisser la place à la nouvelle économie est un leurre : les dizaines de milliers de nouveaux chômeurs ne retrouveront pas d’emploi tout de suite dans les éoliennes ou l’agriculture verte. Pour cela, il faut une formation, et pour les entreprises il faut des clients. Les tendances observées ne sont pas encourageantes : il y a un engouement sur les véhicules SUV au point où des constructeurs ne parviennent pas à liquider leur stock de petites autos. Ce n’est pas un pas dans l’avenir, mais une volonté de se vautrer dans le luxe de la consommation, un baroud d’honneur en anticipant une crise économique gigantesque.

La pandémie « allongée » que plusieurs pays connaissent laisse un champ de ruines. Au nombre de décès qui grandit chaque jour, s’ajoutent des dommages économiques croissants, et possiblement une situation sanitaire dangereuse. La persistance du virus Sars-cov-2 risque de créer des réservoirs dans d’autres espèces (visons animaux domestiques, volatiles), de susciter des mutations et de nouveaux virus semblables qui pourront multiplier les épidémies, les nouveaux virus créant dans ces réservoirs des variantes capables d’infecter des humains.

Rien n’est perdu, et il faut certainement instaurer des mesures pour mettre fin à cette pandémie et peut-être éviter qu’elle ne s’ajoute à la liste des grippes, pneumonies et autres maladies cycliques ou saisonnières, sans compter les conséquences sur la santé mentale et une fatigue qui à son tour, contribue à laisser le virus se disséminer parce que les citoyens n’ont pus d’espoir. « Nous allons vivre avec le virus » est un aveu d’échec et d’impuissance.

Grâce à des tests PCR et sérologiques, nous pourrions recommencer à confiner, non pas les vieux comme l’a suggéré sans intelligence un épidémiologiste français, mais celles et ceux qui peuvent s’infecter et infecter les autres, comme en Slovaquie. En quelques semaines, il serait possible non seulement de diminuer rapidement le nombre de cas et de décès, mais de faire cesser la circulation du virus dans les sociétés, ce qui est la mesure la plus importante. Sans porteur, le virus va simplement disparaitre. À condition que tous les pays s’accordent sur ce point ou que l’on s’isole de ceux qui ne le voudraient pas.

Ce qu’il m’est difficile de comprendre, aujourd’hui, c’est pourquoi, bien que je ne sois pas infectiologue ni  épidémiologiste, j’ai pu penser et agir de cette manière avec ma compagne (comme Taïwan, la Corée, la Nouvelle-Zélande et d’autres) dès la troisième semaine de janvier. La paranoïa ?

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Transat : si on ne sait même pas faire…

Demain, on recommencera à voler au Québec. Nous irons en vacances dans le sud, en Europe, nous voudrons découvrir de nouvelles destinations et voudrons que nos voyages soient encore plus agréables qu’ils ne l’étaient hier.

Mais voilà, notre transporteur national, Transat, risque sa peau dans la pandémie. Sa comptabilité de banque suisse lui a permis de traverser le 11 septembre et de laisser sur le côté bien des « fly -by-night ». Plusieurs se demandaient si son « acquéreur », Air Canada, pédalait en coulisse pour éviter de payer les 18 $ promis aux actionnaires ou s’il attendait de ramasser pour rien le marché québécois qu’il n’a d’ailleurs jamais bien compris? Qui a connu Air Canada ou « Rouge » a pu constater la différence avec Transat.

Dans ce monde de demain, il restera encore beaucoup du monde d’hier. Il y aura peut-être quelques changements, mais « l’économie d’après » ne sera pas différente de l’économie de janvier 2020. Peut-être pourrions-nous hésiter à investir dans le pétrole ou des entreprises que les consommateurs ont déjà quitté, mais dans le cas qui nous occupe, Transat, le choix est clair, il faut conserver cette entreprise et l’aider. Mais, les gouvernements n’ont pas bougé.

Le savoir-faire de Transat est intact, l’entreprise est reconnue et célébrée. Le personnel est compétent et fidèle. Le matériel, une flotte renouvelée récemment, est impeccablement entretenu, la direction est toujours au poste, son plan d’affaires est parfait. Il ne manque que le temps et de l’argent pour traverser le temps. Notre gouvernement a financé le Cirque de Soleil, pense à un projet gazier, et c’est maintenant le REM qui menace d’abandonner la gare de l’aéroport s’il ne reçoit pas d’aide. Or, s’il existe une entreprise qui est à la fois nécessaire, fonctionnelle et rentable, c’est bien Transat et c’est bien Transat que l’on doit aider.

Ne nous leurrons pas, Air Canada et quelques autres lorgnent de notre côté pour s’emparer du marché de bons voyageurs que nous sommes, de nos destinations juteuses et faciles en délaissant celles qui le seraient un peu moins. Nous venons de connaître un tel épisode avec Air Canada sur les destinations provinciales. C’est un classique dans l’histoire québécoise de l’entreprise, une tendance vers un retour aux années 50 pour le service et le respect. Si Transat disparaît, il ne restera rien au Québec. Quelques routes d’Air Canada, certaines passant par Toronto et quelques diamants de Transat.

Tous les pays n’ont pas de transporteur aérien, mais ceux qui en ont maîtrisent une partie stratégique de leurs activités commerciales et touristiques. Les compagnies d’aviation servent de support à leur commerce international et sont en même temps la clé de leur développement aéroportuaire. Air Canada a délaissé l’aéroport Trudeau depuis des années après avoir trucidé Mirabel, même si son « siège » est à Montréal. On connait la technique, le siège est ici, mais les décisions et tout le reste est ailleurs, Toronto, Houston ou Pékin.

Alors, pourquoi ce silence des gouvernements, particulièrement du nôtre, à Québec ? Croit-il que le « marché » va faire sortir de son chapeau une concurrence meilleure, ou que, demain, on volera en électrique ou qu’on ne volera plus du tout ? Ce n’est pas sérieux. Il y a des solutions et des acteurs capables de les mettre en place, à commencer par l’entreprise elle-même, Transat. Cela entre dans les attributions de la Caisse de Dépôt et, pourquoi pas, d’un nouveau RÉA populaire pour une partie du financement et encore, comme l’affirmait le ministre M. Fitzgibbon en 2019, du « gouvernement Legault [qui] avait mis sur pied un fonds d’un milliard pour protéger les sièges sociaux ». Du même coup, on protégerait aussi une entreprise, un aéroport et un marché.

Triste conclusion : comme le soulignait Michel Nadeau, «Il y a des pressions énormes des cadres qui veulent passer à la caisse, qui sont au bout du rouleau, qui ne savent plus quoi faire pour faire augmenter les profits. Ce qu’on fait, c’est qu’on vend l’entreprise».

C’est une fin triste, pas glorieuse et qui va à l’encontre de ce qui se fait dans les autres pays. À part des effondrements comme Enron ou Lehman Brothers, les entreprises « au bout du rouleau » sont toujours reprises par une nouvelle équipe qui leur donne un nouvel avenir. SI Norwegian, Air Canada, Sunwings ou WestJet volent sur les destinations des Québécois, c’est parce qu’il existe des possibilités inexplorées par Transat. On peut parler d’une compagnie et de dirigeants fatigués, mais certainement pas d’une entreprise incapable de générer des profits (Air Canada n’aurait pas offert 18 $).

Mais, en fin de compte, qu’est-ce que Transat donne à son prédateur ? Ses clients, son savoir-faire, des actifs intangibles, un « droit d’entrée » dans les marchés québécois et étrangers, ses destinations, ses accords avec les hôtels, mais aussi ses économies, sa flotte et tout cela vaut évidemment beaucoup plus que 5 dollars par action. C’est le B.A. BA de l’évaluation des entreprises dont ni Air Canada ni Transat n’ont voulu tenir compte. Vulgairement, si vous achetez le dépanneur du coin en confinement, vous payez un peu plus que la valeur du tabac et du chiffre d’affaires des dernières semaines !

Plusieurs entreprises se vendent en bourse des centaines ou des milliers de fois leur bénéfice par action (TJX la maison-mère de Winners, Tesla) et certaines connaissent des sommets alors qu’elles font des pertes…provisoirement.

Le prix que va payer Air Canada, ce n’est n’est pas la valeur de Transat, c’est la valeur de notre entrepreneuriat, de notre piètre opiniâtreté collective, la valeur que nous accordons à notre indépendance, à notre liberté et à notre avenir. Finalement, nous ne valons probablement pas plus que cela.

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Une politique malade

Six mois de pandémie ou quelques années ?

Arrivés en France fin janvier, nous avions décidé de ne plus serrer les mains, de ne plus embrasser les amis. Cette même journée du début de ce qui allait être une pandémie, tous les gouvernements, sauf en Asie, assuraient leurs citoyens que rien n’arriverait jusqu’à eux. On connaît la suite. L’Italie implorait les Français de réagir, l’Allemagne, elle, était déjà prête et quelques semaines plus tard, le méchant Boris faisait son Trump en parlant de « grippette »… juste avant de s’infecter piteusement. Au Québec, comme nous le révèle un reportage de Découverte, les médecins savaient aussi dès janvier que nous entrions en pandémie. Le Québec a suivi le même chemin que la France ou l’Espagne ou le Royaume-Uni, a commis les mêmes erreurs.

En février, les milieux hospitaliers français étaient aussi très inquiets. Inquiets de l’attitude de leurs concitoyens reconnus comme ingérables et de l’ampleur du sinistre à venir. La plupart des pays ont eu un mois ou deux devant eux pour commencer à gérer la pandémie. Peu l’ont compris. En Italie, un véritable exode d’une ville vers une autre où se déroulait un match de football a été le point de débordement initial. Plus de 35 000 personnes ont quitté Bergame pour voir le match à Milan le 19 février.
En France, ce sont des réunions qui ont lancé la pandémie, comme ce rassemblement religieux dans l’est du pays, à Mulhouse, du 17 au 24 février. Il est probable que plus de mille personnes ont été contaminées à cette occasion. Si beaucoup étaient asymptomatiques, elles ont pu contaminer un grand nombre de personnes. Plus tard, il y a eu des « messes clandestines » ailleurs, pour « repousser » la maladie, sans grand effet.

Les gouvernements ont ajouté à ces « bombes atomiques » (c’est comme cela que les professionnels ont nommé ces événements) une vision élitiste et paternaliste de la société. Même si la France a décrété un confinement, il ne s’adressait pas à tout le monde et a été créé dans la confusion. Le président français et les régents d’autres pays, n’ont pas cru que les citoyens pouvaient respecter des consignes précises et sévères et ils les ont allégées très vite. Ils n’ont pas confiné les malades parce qu’ils n’avaient pas prévu de tests pour les identifier et ils ont donc confiné presque tout le monde, laissant les malades non testés et plus ou moins symptomatiques contaminer à souhait. Enfin, ils avaient négligé de conserver des stocks de matériel de protection, masques, blouses, ou ils les avaient simplement jetés, malgré les alertes du SRAS en 2003, puis de l’épidémie H1N1 en 2009. Cela était connu de tous les praticiens en santé et transmis aux autorités… qui n’ont pas cru bon d’en prendre note. Les masques, en 2020, sont simplement devenus « inutiles, voire dangereux » selon la porte-parole de l’Élysée et les ministres de la santé en France, et selon le gouvernement du Québec et même l’OMS. Ils n’ont même pas su faire la différence entre l’utilisation d’un masque lors d’une intubation et l’utilisation par des citoyens dans un bureau avec des mesures de distanciation. Quatre mois plus tard, les masques en tissu étaient bénis.
On peut mieux comprendre pourquoi cette pandémie s’est pratiquement arrêtée en quelques mois en Chine, en Nouvelle-Zélande et dans quelques autres pays alors qu’elle reprend sa course ici et en Europe et qu’elle menace très sérieusement la Guadeloupe et de plus en plus de villes et de régions dans le monde.

Il y aura sans doute des comptes à faire sur la gestion de beaucoup de gouvernements, sur l’écoute des praticiens de la santé, sur la décision politique, monopolisée par les chefs d’État, contre les avis des scientifiques et dans la solitude de leur bureau, parfois même contre l’avis de leurs ministres. Il faut aussi mentionner le clientélisme du président français et du gouvernement du Québec parmi beaucoup d’autres, prompts à réprimer violemment des manifestations (Gilets jaunes, étudiants de la dernière décennie, Black lives) tout en laissant béatement des groupes transmettre sciemment un virus en organisant des fêtes ou des spectacles grandioses, sans même évoquer des contrôles sérieux ou des sanctions pénales. Il n’y a en effet plus de place au doute quand on connait depuis quelques mois les conditions qui permettent à coup sûr la transmission du virus. Malgré tout, ces manifestations se produisent librement en défiant les règles sanitaires au prétexte d’une quelconque nécessité de fêter. C’est, au moins, un manque de respect pour celles et ceux qui sont en première ligne, comme ça l’est aussi pour les citoyens et les entreprises qui en souffrent inutilement. C’est surtout une mise en danger de la vie des citoyens.

Une deuxième « vague » ?

L’idée de deuxième vague évoque la circulation d’un micro-organisme qui infecte une population, qui y circule puis disparait pour reparaitre sous une forme différente, comme la grippe. Dans le cas de la Covid, le virus a toujours circulé, il n’a pas disparu et il n’est pas revenu : c’est le même cycle. On évoque des mutations, mais si elles se sont produites, c’est dans la cadre d’une transmission continue dans les mêmes milieux et jamais après un séjour chez des animaux qui servent de réservoir et de culture de virus. Sauf que nous ne savons pas si des réservoirs vont se constituer ailleurs que chez les pangolins et les chauves-souris, ce qui pourrait produire des virus plus explosifs.

Une première remarque : les grandes contaminations de la « première vague » ont d’abord touché une grande proportion de jeunes dans les catégories football et religion, la dernière comportant peut-être plus de personnes plus âgées. Elles ressemblent donc à ce que nous connaissons actuellement, c’est-à-dire une contamination qui touche d’abord des jeunes et s’étend ensuite très rapidement au reste de la société. Le chemin des contaminations pourrait ne pas être différent de ce que l’on a connu au début de la pandémie : aujourd’hui, les maisons de retraite sont une nouvelle fois touchées. Les soignants, même les nouveaux qui viennent d’être formés au Québec se déplacent toujours dans les chambres et répandent la maladie de la même manière qu’en mars. Les agences d’intérim qui fournissent sur demande du personnel pour ces institutions fonctionnent encore comme si rien ne s’était passé dans les CHSLD. A-t-on appris quelque chose de la « première vague » ?

Un seul facteur reste inconnu qui pourrait inciter au laisser-aller : nous ne savons pas encore si le virus est moins offensif et si les personnes contaminées et celles qui possèdent des anticorps datant du SARS ou d’autres coronavirus constituent une barrière contre la maladie, au moins quant à ses conséquences, séquelles et décès. Le président Macron a parié sur cet espoir, mais de la part d’un dirigeant, c’est un pari dangereux, surtout lorsqu’on rapproche cette attitude avec les résultats obtenus par la France et la plupart des pays occidentaux, des résultats nuls ou catastrophiques.

Cette attitude des dirigeants se reflète, évidemment, dans la population. Quand 10, 50 ou 200 personnes décident d’ignorer les règles sanitaires élémentaires en période de pandémie, peut-on laisser faire ? Imaginons qu’un soir, un groupe de 50 personnes décide de prendre la route après une soirée dans un bar en trainant avec eux un taux d’alcool de 0,08 % dans le sang. Nous en sommes là. Après huit mois, les négligences de quelques citoyens sont assimilables à une conduite dangereuse, une négligence criminelle. L’ensemble des mesures  prises pour faire reprendre l’activité économique est compromis par ces comportements. Et faute d’avoir compris que des citoyens bien informés pouvaient accepter des mesures sévères pendant quelques mois, les gouvernants vont les obliger à en suivre pendant plusieurs années.

Quand un président prétend « vivre avec la Covid », il nous dit, en fait, que nous allons vivre longtemps dans une économie en dent de scie, assortie de fermetures d’entreprises et d’écoles, de faillites, de croissance d’une classe de super-pauvres, d’éclosions cycliques de Covid, de confinements partiels ou complets : c’est le monde de demain que nos dirigeants ont inventé.

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Communication et 5 G

Plusieurs Québécois ont eu le cœur arraché quand deux personnes ont été arrêtées suite à la destruction de tours de télécommunication qu’elles croyaient reliées à la technologie 5G. Il ne s’agit pas de faire l’apologie de ce que l’on appelle la théorie de la conspiration, loin de là, mais bien de répondre à une absence de communication entre les gouvernements et les citoyens, une ignorance qui risque de multiplier des drames semblables. Les deux personnes arrêtées, jeunes, ont pensé devoir alerter le public et il ne m’est pas permis de les blâmer dans les circonstances. Nous avons vécu, ici et ailleurs dans le monde, des aventures dévastatrices qui ont miné la confiance et la vie des citoyens, dont certaines n’ont pu se produire que grâce à des complicités criminelles : tabac, sang contaminé, poliomyélite, prothèses mammaires, accidents d’avion…

Quant à la technologie 5G, les craintes de beaucoup de citoyens portent sur la fréquence, sur la quantité et sur les effets secondaires de ces ondes. On soupçonne qu’elles pourraient détruire notre système immunitaire ou causer des cancers. Malheureusement, contrairement à ce que les États réclament pour les médicaments, il n’y a pas d’études complètes sur ces micro-ondes. En Europe, certains gouvernements ont exigé que les porteurs de téléphones les ferment quand ils remplissaient leur réservoir d’essence…bien avant la 5 G.

Il serait pourtant facile de tester les nouveaux appareils et de communiquer les résultats à l’ensemble des citoyens. Dans des société anciennes, il fallait obtenir l’assentiment royal pour produire et vendre sa production. Aujourd’hui, n’importe qui a le droit de fabriquer et vendre ce qu’il veut, et lorsque des permis sont nécessaires, il n’est jamais difficile de les obtenir. Après des années de libéralisation, les gouvernements ont même remis le contrôle aux fabricants eux-mêmes.

Les arguments de nos gouvernements en faveur de la 5G sont risibles : « Imaginez que c’est la fête du Canada », selon Doris Camire, directrice de recherche au CRC. « Une foule considérable s’est rassemblée pour les festivités sur la Colline du Parlement, et tous veulent utiliser leur téléphone cellulaire pour envoyer des photos ou des vidéos ». Si c’est pour ça, la 5 G, arrêtez-là tout de suite ! On attend plus intelligent, y compris les raisons invoquées pour les véhicules sans conducteur ou encore l’enseignement, alors que les écoles regorgent de moisissures, que bien des élèves n’ont ni ordinateur ni internet et que les taux de décrochage sont élevés.

La transparence n’empêchera certes pas l’ignorance – pour cela, il faudrait plus d’enseignement, plus d’éducation – mais elle empêchera une diffusion de l’ignorance. Il y a aux États-Unis des infectiologues opposés à la vaccination. Ils sont très peu nombreux, mais interprètent des textes et s’appuient justement sur des cafouillages industriels présents et passés. D’autres, plus justement nuancés, se demandent pourquoi tel vaccin est obligatoire dans un pays alors que la maladie y est absente depuis quarante ans alors qu’un autre ne sera pas obligatoire pour une maladie courante. La politique s’éloigne souvent de l’intérêt public.

Lorsque des dirigeants limitent l’information, comme dans le cas de la 5 G, en disant seulement que les émissions « ne dépassent pas la norme fixée » (par lui-même), très peu de citoyens sont en mesure de comprendre et accepter l’information. Si des informations plus complètes étaient largement diffusées, la population pourrait se faire une idée précise des limites acceptables, en particulier grâce à des débats entre des citoyens plus éclairés, sur des bases scientifiques solides. Mais là, nous rêvons d’une meilleure société, d’écoles qui intègrent les sciences, l’économie et la politique dans la formation des citoyens. En attendant, les gouvernements nous doivent un peu plus de rigueur et l’assurance qu’ils resteront vigilants.

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Trois mois après, va-t-on faire ce que nous aurions dû faire dès le premier jour ?

C’est à dire, des tests, un suivi informatisé, un confinement ciblé et rationnel, des masques, la distance et le lavage des mains. Et encore de l’information et un personnel pour rappeler tout cela, dans la rue, dans les espaces publics. Ce n’est pas de la « défiance » envers « l’autre » ni de la peur, comme on nous le dit à la radio, c’est une mesure de l’intelligence collective et individuelle ! Chez nous, à Montréal, à Paris, à Londres, certaines personnes se rapprochent à 1 mètre ou 2 quand elles ne se collent pas parce qu’elles sont pressées ou plus jeunes. Comme celles qui vous assuraient « qu’elles n’avaient rien » quand elles s’apprêtaient à avoir des relations sexuelles en pleine épidémie de VIH, un virus par ailleurs toujours bien présent et sans vaccin. Agissez comme si vous l’aviez.

Point besoin d’être médecin spécialiste pour comprendre l’évolution d’une pandémie quand nous connaissons l’état des connaissances, les faits et les doutes. Plusieurs épidémiologistes et infectiologues, quelques gouvernements ont établi et pratiqué des mesures qui ont réduit la contamination à presque rien. La Nouvelle-Zélande , Taïwan ont des résultats stupéfiants et c’est ce que prône le docteur Raoult à Marseille. C’est une véritable solution. Les autres propositions ont déjà démontré leur folie. Confiner, mais pas tout le monde, faire tourner un peu des entreprises, en attendant d’avoir des tests, des masques et des comportements qui ne sont jamais arrivés nous a conduit là où nous en sommes.

Les erreurs sont mondialisées. Un stock d’un milliard de masques français a fondu en moins de dix ans sans être renouvelé. Dans le même temps, le gouvernement a aussi autorisé l’élimination de la seule entreprise française capable de produire les bouteilles d’oxygène utilisées dans les hôpitaux et celle d’une autre qui produisait les masques N95. Tout le monde s’est plaint durant des années que la Chine produisait tout, y compris les souvenirs pour les touristes chinois, mais nous leur avons laissé volontairement le monopole de la fabrication de l’essentiel des produits destinés à la santé, molécules, masques, blouses, tout.

Puisque ce qu’il fallait faire n’a été fait qu’à moitié, chaque gouvernement a édicté des procédures scientifico-politiques avec une honnêteté variable. Il y a partout beaucoup trop de contacts, trop de situations dangereuses au point ou les personnels de santé, obligés de servir dans trop de lieux et sans réelle protection ont été eux-mêmes victimes et propagateurs de la maladie. Une réalité horrible, qui suscite la colère et la peine, conséquence de politiques irréfléchies. Nous en sommes encore là.

Une idée bien bizarre, l’immunité de groupe a fait son apparition. Cette notion est normalement associée à la vaccination (il faut tant de % de vaccinés pour réduire le risque de contamination), et ce qui est bizarre, c’est l’utilisation que l’on veut en faire en présence d’un virus en liberté qui tue entre 0,5 % et 1% d’une population, voire beaucoup plus si l’on se fie aux dernières statistiques. Tout d’abord, nous ne connaissons pas les paramètres pour parvenir à une telle immunité et nous en sommes très loin. S’il faut de 70 % à 90 % d’infectés, cela représente entre 5 à 7 millions de malades au Québec. Avec 1/2 % de décès, on imagine l’horreur. On manquera de vieux pour obtenir ce 70 %, ils seront tous morts. Un infectiologue français a parlé d’hécatombe et le professeur Raoult dit que l’éthique ne permet pas d’envisager une telle solution. Tant qu’il restera un réservoir humain du nouveau coronavirus (les réservoirs animaux sont plus exotiques que pour l’influenza), le risque restera grand et l’économie devra toujours subir les inconvénients sanitaires. Mais on peut faire autrement.

Si les Chinois avaient choisi cette solution, ils auraient dû laisser un milliard de citoyens s’infecter et 1/2 % mourir. Jusqu’à aujourd’hui, ils sont parvenus à réduire presque à zéro la contamination.

Début mai, plusieurs pays veulent « déconfiner » leurs citoyens, même si la pandémie est loin d’être terminée. Certains, comme le Québec, ont d’abord avoué leur intention de provoquer une « immunité de groupe », en commençant par les enfants dans l’espoir qu’ils « protégeront » leurs parents et, peut-être, leurs professeurs. On s’est demandé comment, mais le même gouvernement vient de jurer qu’il n’est pas ou plus question de cela suite à une réflexion populaire qui nous incite à penser qu’il est temps que les citoyens puissent s’exprimer dans un cadre institutionnel et autrement que par la représentation.

On sent tout de même les intentions derrière les propos des gouvernements. L’horrible phrase d’un politique français qui n’imaginait pas qu’une femme devienne présidente : « qui va garder les enfants », ressort de la poubelle pour s’appliquer cette fois aux deux parents. Clairement, on va parquer les enfants pour laisser les parents faire tourner les entreprises au plus vite. Un risque calculé dit-on en sortant des statistiques d’un chapeau sans fond qui nous disent que les enfants sont moins dangereux que les adultes à tous points de vue. Un risque réel, parce qu’il y a eu des enfants malades, il y a eu des séquelles, des morts qui ne se seraient pas produites sans la Covid-19. Et il y a aussi des conséquences pour les adultes, professeurs, conducteurs, parents, même quand on nous dit qu’elles seront « moins » grandes.

Subitement, on a découvert les hontes de notre société pour en faire des arguments « sociaux ». Les enfants défavorisés seront les premiers à bénéficier de l’école, les femmes et les enfants battus le seront moins, bref, on redécouvre la misère sans toutefois que l’on exprime la moindre intention de ne pas la remettre là où on ne la voyait pas et, en passant, comme si elle ne se trouvait que dans les « quartiers » comme disent les Français. Qu’est-ce qui va changer ? La reprise de l’économie ? Et après !

La question qui se pose à la veille de ce déconfinement ? Trois mois après le début de l’épidémie, allons-nous devoir faire ce que nous aurions dû faire dès le premier jour ?

Un coup d’œil sur la Nouvelle-Zélande : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/la-nouvelle-zelande-a-quasiment-remporte-la-bataille-contre-le-coronavirus_3912391.html

 

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