Une nouvelle loi sur l’assurance-emploi vient encore changer les règles du jeu en obligeant certains prestataires à se trouver un travail beaucoup moins rémunéré entre les périodes d’emploi. Qui est visé ?
Les pêcheurs, bien sûr, sont parmi les cibles du gouvernement, ils travaillent « seulement » sept mois par année pour des raisons hors de leur contrôle. Les conditions de travail extrêmement dures, les saisons, les quotas, la raréfaction des espèces, les revenus en baisse en font une catégorie particulière de travailleurs. Ils sont irremplaçables (comme les agriculteurs et d’autres) parce qu’ils nous nourrissent. Leur demander de travailler à des salaires de misère entre deux saisons serait comme demander aux pompiers d’aller servir au bistrot d’à côté entre deux feux, de ne les payer qu’en service.
L’assurance-emploi, pour cette catégorie de travailleurs, joue le rôle de conservation d’un patrimoine de travail. On ne devrait pas y toucher.
Mais elle profite aussi aux entreprises qui resserrent leur production sur quelques semaines (téléphonie, aéronautique), puis licencient temporairement leurs ouvriers. C’est une manière de « saisonnaliser » la production artificiellement, éviter ainsi de payer les employés sur une base annuelle et augmenter les profits. C’est aussi demander à l’ensemble des travailleurs qui cotisent à l’assurance-emploi de financer ce tour de magie que seules quelques entreprises peuvent réaliser. Pourquoi l’état devrait-il entretenir des employés de ces industries entre deux productions , mais pas les entreprises de pêche qui fonctionnent sur le même modèle….bien involontairement ?
Les employés mis à pied temporairement pour des raisons de rationalisation de la production ont toutes les chances de ne pas être contraints de travailler entre les périodes d’emploi, puisqu’il est improbable qu’ils puissent trouver pour quatre mois un poste payé 70 % de leur salaire habituel élevé. Quand le pêcheur pourrait être contraint de livrer des pizzas en hiver, on imagine mal l’ingénieur de Bombardier trouver un travail pour trois mois à 80 $ de l’heure.
Ne sous-estimons pas l’impact de cette mesure qui, pour d’autres catégories de travailleurs, même bien payés, pourrait contribuer à une dévalorisation des salaires et à la négation des progrès syndicaux. Elle pourrait être une manière de désyndicaliser la société : des ouvriers à 30 dollars de l’heure seraient ainsi contraints d’accepter 25 dollars et de rester à ce niveau, plutôt que de retourner travailler dans leur domaine propre.
La politique conservatrice cache un projet de société perdant. Le problème de sous-emploi que l‘on prétendait régler subsistera et les chômeurs privés d’indemnités toucheront d’autres aides d’autres gouvernements ou finiront dans la rue.
Même si tous les chômeurs étaient des Bougons, la solution ne serait pas de leur refuser les indemnités pour lesquelles ils ont d’ailleurs cotisé, mais bien plutôt de s’assurer qu’ils reçoivent l’éducation et la formation nécessaires à la construction collective du pays que constitue le travail. Ce sont l’école, la lutte contre le décrochage, l’accès aux études supérieures et la formation permanente, des solutions adoptées dans les pays européens les plus performants, qui vont avoir raison du chômage, non pas la constitution d’un parc d’employés à rabais surveillés par une police de la promotion de la vertu.
La solution est de créer des emplois de meilleur niveau et de former les travailleurs avant qu’ils ne soient contraints au chômage et non pas de niveler l’emploi par le bas en les transformant en bonnes à tout faire.