Bombardier, le bon choix

Une fois n’est pas coutume, le gouvernement du Québec n’a pas vraiment commis une grossière erreur en fondant une co-entreprise avec Bombardier.

Il y avait urgence. Une entreprise n’annonce pas sur les toits qu’elle ne sera pas capable de financer le plus gros projet de sa division aéronautique, mais il semble que c’était le cas. Il fallait donc refinancer le projet qui, redisons-le, déterminera l’avenir de la division, d’autant plus que c’est le seul projet en cours, les autres n’étant plus porteur. D’ailleurs, Bombardier a mis fin au Learjet, probablement pas seulement parce que les ventes étaient faibles,mais parce qu’elle n’était plus en mesure de s’en occuper sans mettre en péril la C series.

M.Legault a évoqué le cas de GM refinancé par le gouvernement Obama. La situation n’est pas comparable à celle da la C series. GM partageait la crise économique avec l’ensemble des entreprises américaines. GM vend des autos, non pas des machines sophistiquées comme des avions. La fin de la crise économique américaine ne pouvait que faire augmenter les ventes d’automobiles, dont celles de GM. Ce n’est pas la cas des avions de Bombardier.

Si le gouvernement du Québec avait simplement acquis des actions de Bombardier, des actions ordinaires ou privilégiées et convertibles, il n’aurait probablement pas été en mesure de contrôler l’usage des fonds ainsi mis à disposition de la société. Une entreprise, c’est un peu comme le fonds consolidé de la province qui reçoit nos impôts : une fois reçu, c’est le gouvernement qui décide où va l’argent, aux pauvres, à la santé, à l’éducation ou dans l’administration, ce n’est pas vous et ce n’est même pas en fonction de la raison pour laquelle il vous a ponctionné tel ou tel montant. Dans une entreprise, c’est pareil, à moins que celui qui a acheté un bloc d’actions siège au conseil d’administration et soit en mesure de vérifier que son investissement se rend bien à la division pour laquelle il a acheté des actions, à savoir la C series…

Ce n’est pas tout. Si le gouvernement était actionnaire au lieu de partenaire dans la C series comme c’est maintenant le cas, rien n’indique qu’il aurait un jour profité d’une remontée des cours de l’action ou de profits sous forme de dividendes. En effet, si la C series tombait, ses pertes iraient gruger tous les bénéfices du ferroviaire, l’autre activité de la société. Actuellement, on ne peut pas dire que les actionnaires s’enrichissent avec les profits du ferroviaire ni qu’ils espèrent des profits à moyen terme. Qui plus est, l’émission de ces nouvelles actions aurait diminué d’office la valeur de chaque action dont celles détenues par la Caisse de dépôt : une perte immédiate. Le gouvernement aurait alors dû attendre probablement très longtemps avant d’engranger des profits en revendant ses actions. Il ne faut pas oublier que même après la création de la société en commandite avec le gouvernement, Bombardier supporte encore la moitié des dépenses. On aurait pu aussi émettre des actions privilégiées qui auraient été rachetées au gouvernement même en cas de pertes sévères de la division aéronautique, mais cela aurait aussi mis en péril la totalité de Bombardier bourrée de dettes.

La société en commandite règle une partie de ces problèmes. On saura rapidement si la C series décolle et si les ventes rapportent de l’argent. Si c’est le cas, le gouvernement prendra la moitié des profits qui seront enlevés d’ailleurs aux actionnaires qui ne recevront que l’autre moitié (Bombardier et le gouvernement partagent les profits). Le gouvernement pourra suivre de très près la marche du projet et éventuellement se retirer en cours de production en limitant sa perte en cas d’échec. Bonus : la société en commandite permet à de nouveaux investisseurs d’entrer facilement dans le projet avec des conditions flexibles.

Et puis la présence du gouvernement dans Bombardier est un atout lors des rencontres avec d’autres gouvernements. C’est un moyen d’échange ou de pression, comme l’est le Rafale pour la France, un autre excellent avion qui a du mal à décoller pour les mêmes raisons que la C series.

Enfin, on ne connaît pas les clauses du contrat. Les risques ne sont peut-être pas tous pris par le gouvernement, ce qui est possible dns ce genre de société. Cela reste à voir.

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