On peut se demander quelle serait la position d’un grand nombre d’opposants à la charte sur la laïcité du Québec si, demain, des professeurs homosexuels, hommes ou femmes, entraient dans leur classe en arborant un chandail aux couleurs du drapeau gay, si un afro-québécois indiquait d’une manière ostentatoire son adhésion au black power, ou encore si une employée de la fonction publique portait un keffieh palestinien.. . Admettre cela, c’est prouver que tous les droits protégés par la constitution ne sont pas égaux, du moins dans leur application et dans les conséquences de leur application.
Si vraiment il n’y avait pas de hiérarchie des droits, il faudrait bien opposer le droit au prosélytisme et même le droit d’exprimer publiquement son adhésion à une religion et le dommage que ce droit porte à l’égalité entre les femmes et les hommes et peut-être plus, à la dignité des femmes. Si les tribunaux favorisaient le port de signes religieux, alors il faudrait croire que pour eux, l’expression de l’égalité et de la dignité des femmes est moins importante que l’expression de l’appartenance religieuse, ce qui serait un énorme recul. On s’interdit bien les (autres) images sexistes…
La question des religions a amené l’ambiguité dans le comportement des gouvernements et dans l’administration de la loi. Les intégristes religieux qui pratiquent l’entrisme dans les sociétés occidentales utilisent avec intelligence cette ambiguité pour faire du prosélytisme en le sachant et certainement pas sans le savoir comme monsieur Jourdain. Pour contrer cette offensive, les gouvernements sont totalement désarmés, particulièrement ceux qui n’ont pas inscrit clairement dans leur constitution la séparation de l’église (la religion) et de l’état.
Chaque matin, les citoyens doivent se demander si les progrès qu’ils conquièrent au fil de leur histoire méritent qu’une partie de leur tradition et de leurs croyances disparaisse. Qu’Il s’agisse de progrès scientifiques ou sociaux, c’est toujours le courage de renoncer à une partie de soi-même qui définit l’évolution.