Au début du vingtième siècle, on parlait de « la poudrière des Balkans ». Les grandes puissances avaient savamment organisé des alliances avec les pays de la région en fonction de ce qu’ils croyaient être leurs intérêts propres, évidemment pas ceux des pays concernés. C’est ce qui a causé la série des deux grandes guerres mondiales.
Au Moyen-Orient, les politiques des Occidentaux n’ont pas fait mieux. Palestine trahie par les Anglais, influences armées des Européens puis des Américains, reliquats des politiques coloniales du 20e siècle, invention de frontières des pays du pétrole, tout cela a créé la poudrière du Moyen-Orient. Ce n’est pas si vieux, même Sarkozy avait reçu Khadafi à Paris et ses ministres voyageaient dans l’avion de Ben Ali, dictateur bien connu.
Pour accélérer le processus, les Américains et leurs alliés ont disséminé des armes lourdes dans les pays dans lesquels ils intervenaient pour, croyaient-ils, les pacifier. Comme, en plus, ils étaient nécessairement perçus par les populations comme ceux qui les bombardaient, ils achevaient une mission de « conversion » que même les missionnaires n’auraient pu assurer : la région connaît aujourd’hui une explosion des extrémismes religieux qui auraient pu figurer dans La Tentation de St-Antoine.
Nous n’avons fait guère mieux en Afrique. Quand le Sida, d’origine africaine, a conquis nos terres, l’Amérique et l’Europe ont mobilisé des ressources considérables pour tenter d’enrayer l’épidémie. Lentement, certes, tant que la maladie semblait ne toucher que des classes de citoyens mal aimées, puis plus rapidement dès lors qu’elle apparaissait comme une menace sérieuse pour l’ensemble des populations.
Mais personne n’est intervenu en Afrique. Ni pour le Sida ni pour Ebola, puisque, encore une fois, ce virus ne se rencontrait qu’en Afrique.
Il y a sans doute un curieux parallèle à faire entre les deux situations. Peut-être aurions-nous pu agir plus intelligemment au Moyen-Orient en évitant de nous associer à des bandits, en favorisant le développement économique et social, comme nous aurions probablement dû, en Afrique, nous soucier un peu plus des famines, des épidémies, des massacres (le Rwanda n’est pas si loin) et jouer de solidarité au lieu de jouer du canon et de vendre des armes à tous les adversaires. Ce n’est pas pure invention que de croire en une volonté politique non dite, non exprimée : encore hier, Le Pen père parlait de « Monseigneur Ebola » qui allait régler les problèmes de l’Afrique. Pourrions-nous affirmer qu’il était – ou qu’il est – le seul à avoir de si épouvantables pensées ?
Rien ne nous dit que ce qui se passe aujourd’hui ne serait pas tout de même arrivé si nous n’étions pas intervenus ou si nous avions aidé ces populations : on peut toujours envisager le pire, mais quand nous-mêmes l’avons planifié…