Nous faisons tout à l’envers disait Jacques Parizeau. Dans son projet de train léger, la Caisse de dépôt cherche d’abord la rentabilité. Or ce n’est pas à elle de fixer la rentabilité d’un tel projet social (parce que c’est un projet social), mais bien à la population, plus ou moins bien représentée par le gouvernement. Ce sont en effet les gouvernants qui doivent définir un cahier des charges qui fixe, entre autres, le prix du transport du centre-ville vers l’aéroport, une décision politique qui aura des conséquences économiques. C’est au gouvernement de viser un prix, de savoir pourquoi il veut une navette vers l’aéroport, pourquoi il veut un train vers telle ou telle destination. S’il ne le sait pas, les problèmes ne vont pas tarder à se manifester : échec comme à Toronto, étalement urbain indésirable, parmi d’autres. Il y a pire, dans ce cahier des charges : aucune interconnection avec le métro ne semble avoir été prévue. Il sera plus facile à un citoyen de l’Ile des Sœurs de se rendre à Trudeau qu’à un Montréalais du centre-ville…ou de Montréal-Nord.
Le choix du trajet est important et là non plus, ce ne devrait pas être une décision de la Caisse. On se rappelle des critiques, en particulier celle des étudiants, lors de la construction du métro de Montréal : le métro amenait les consommateurs aux magasins du centre-ville et favoriserait à long terme la paupérisation des quartiers délaissés. Montréal-Nord en est le triste exemple.
Comme le souligne Luc Ferrandez, les terrains qui seront mis en valeur sont de bons terrains, des terres agricoles sacrifiées pour l’étalement urbain alors que la métropole commence à se fabriquer des « quartiers » à la française. Pour son président, la Caisse est une simple entreprise commerciale. Il semble oublier qu’elle gère le fonds de retraite de tous les Québécois et qu’elle est une construction de l’État. Si elle avait vraiment été une entreprise commerciale, nous lui aurions retiré la gestion du RRQ après son annonce de plusieurs milliards de perte il y a quelques années.
Dans la même ordre d’idée, il faudrait tout de suite scruter la dynamique du financement du train léger. Ce financement se fera par la captation de l’augmentation de la valeur foncière des terrains desservis. En d’autres termes, on dit, sans le crier sur les toits, que l’on va installer des stations de train léger ici et là, et l’on aurait acheté les terrains auparavant pour empocher la plus-value sur ces terrains. En Norvège, cela se ferait probablement d’une manière transparente… Au Québec, il ne semble pas que la magouille soit totalement arrêtée, nous en avons des exemples pratiquement chaque jour. Il n’est donc pas si sûr que la Caisse puisse récupérer la totalité de la plus-value dans les villes où le train va passer…Pour plusieurs, le train a déjà sifflé plusieurs fois et ce sont donc les contribuables qui vont financer les profits de ceux qui auront achetés les déserts que la Caisse aura desservi avec son petit train.