Trump n’est pour rien dans la santé de l’économie.

Quand le taux de chômage américain a commencé à fondre, il y a plus de cinq ans, il était devenu évident que nous étions au début d’une reprise économique exceptionnelle et durable. On ne passe pas d’un taux de chômage qui frise les 10 % à un taux de moins de 5 % sans un bouleversement de l’économie d’un pays, voire celle de la planète économique et sociale.

Personne n’y croyait sauf peut-être Warren Buffet et le signataire de cet article. Comme lors de chaque crise économique, le premier constat que nous pouvons faire, c’est le mauvais état général du pays. Les automobiles sont anciennes, les immeubles sont gris, les routes et les infrastructures n’ont pas été entretenues. Contrairement à l’esprit de Keynes, les gouvernants n’osent pas entreprendre de grands travaux en temps de crise. Ils auraient pourtant stimulé l’économie mais la peur d’agrandir un déficit qu’ils ont souvent décuplé lors de la période de croissance précédente. Pire, ils ont souvent eux-mêmes réduit, en temps de crise, la participation de l’État dans tous les secteurs, organisant des coupures sombres dans l’éducation et la santé, fragilisant encore plus la société.

Il n’y a pas que l’économie qui est déprimée en cas de vaches maigres, les citoyens le sont encore plus. Il est probable qu’ils deviennent eux-mêmes des déclencheurs des reprises. Beaucoup de facteurs y contribuent : les salaires moindres (les citoyens sont prêts à travailler à moindre coût), la nécessité aigüe de rééquiper presque tout : les véhicules des citoyens qui travaillent, les transports publics, la mise à jour des usines, la mise en pratique de progrès de la recherche (téléphones intelligents, ordinateurs, robotisation et autres moyens de production, changements dans la manière de produire et vendre tels qu’Amazon ou Google). Les économistes pensent que les crises sont justement là pour changer les habitudes, mettre à jour l’économie, le travail et la consommation.

Il ne s’agit pas d’analyser ici les mécanismes des reprises, mais bien de constater qu’elles s’auto-entretiennent. Dès le moment où une partie importante de citoyens se remettent au travail,, un nouveau cycle dynamique s’installe. Les vieux équipements sont remplacés. On ne peut pas voir tout de suite les magasins de détail fleurir, mais les citoyens commenceront par renouveler l’indispensable. Par la suite, l’alimentation, l’habillement et le reste exploseront. Le taux de chômage continuera à baisser, les citoyens renouvelleront alors des biens plus importants : habitation (rénovation ou achat), s’offriront des loisirs – ils voyageront plus -, achèteront des marchandises nouvelles, et reprendrons des activités oubliées, sports, hobbies, sorties. Les grands gagnants de la présente reprise étant probablement le tourisme et la « bouffe » qui explose dans la plupart des pays, appuyés par l’édition de livres, des émissions de télévision et les réseaux sociaux,

Un certain nombre de facteurs feront qu’une reprise sera durable ou pas. L’investissement de l’État et les synergies établies avec l’entreprise privée sont déterminants. L’investissement de Warren Buffet dans General Motors, après celui du gouvernement Obama, le désormais fameux Quantitative easing (achats massifs de titres d’État ou d’institutions financières), tout comme l’écrémage des banques a amorcé l’actuelle reprise en incitant les acteurs financiers (tel que vous et moi ou les entreprises) à emprunter et travailler pour réaliser des projets.

Ces outils ne créent pas un retournement de l’économie en quatre semaines, ni même en une année. Quand des partisans de Trump et Trump lui-même prétendaient quatre mois après son élection qu’il était responsable de la flambée économique, ils étaient loin de la vérité. Pourtant, même à l’époque, des gens d’affaires, des entrepreneurs croyaient à ce mythe. Ils y croient encore plus aujourd’hui, même si le taux de chômage sous son règne n’a diminué que de quelques dixièmes de pourcentage alors que sous l’administration d’Obama, il est passé de 9 % à 5 %.

À l’inverse, plusieurs agents économiques se demandent aujourd’hui si la reprise n’est pas terminée. Certains prévoient un ralentissement, voire une récession dans un avenir proche d’une ou deux années. Est-ce possible ? Quelles sont les conditions nécessaires pour qu’une telle prédiction se réalise ?

On se doute bien qu’une fois que tous les citoyens ont acheté ce qu’ils voulaient, rénové leur maison, acheté un ou deux véhicules, sont passés au travers de cinq versions d’iPhone, la production industrielle va baisser. Par la suite, ce sera au tour des services, voyages, dépôts bancaires, investissements des particuliers et des entreprises. Rien n’interdit, en revanche que ces ralentissements soient seulement provisoires, puis suivis par des reprises qui maintiendront l’économie à un niveau constant durant des décennies. Mais pour entrer dans une récession importante, il faut des suites d’événements plus importants.

Depuis l’arrivée de Trump, on se demande chaque jour ce qu’il pourrait faire pour provoquer l’effondrement de l’économie américaine. Ce sera probablement l’étranglement des finances de l’État. S’il se réalise, son plan de rénovation des infrastructures du pays drainera des sommes considérables dans un système très endetté. Si rien n’interdit de penser que la solidité de l’économie pourrait encaisser les coûts, dans la même foulée, ces dépenses extraordinaires et colossales viendront fouetter une économie qui n’en a pas besoin en ce moment, bien au contraire. La Fed prévoit remonter les taux d’intérêt pour juguler une éventuelle inflation ou la tenir autour de 2% par année, mais des travaux gigantesques pourraient faire monter les taux d’intérêt à des sommets.

Ce jeu sur les taux, déjà critiqué par des économistes, sera très insuffisant pour compenser les effets stimulants du projet et pourrait entraîner une panique financière. Montréal a connu ce genre de conséquences, avec la construction de l’expo, du métro puis des J.O. En 1980, l’inflation grimpait vers de sommets inégalés. À l’époque, un particulier pouvait acheter des « CPG » au taux de 20 % pour cinq ans et le prix des appartements doublait en un ou deux ans !

L’autre problème, c’est que ces dépenses se feront après les fortes réductions d’impôt du gouvernement Trump. Là encore, si des économistes croient à « la fin de l’impôt » qui pourrait éventuellement être compensé par d’autres moyens, il reste que le pays est déjà aux prises avec d’énormes problèmes de financement. En rajouter, comme 200 milliards de droits de douane annoncés aujourd’hui, pourrait achever la reprise, voire provoquer une crise profonde.

Depuis que Trump est arrivé au pouvoir, et contrairement à ce qu’il prétend, la bourse n’a jamais été si volatile et craintive. Non seulement le « marché » n’aime pas ce qu’il fait, mais il ne sait pas ce qu’il va faire, ce qui pour le « marché » est pire que tout. Comme il est peu probable que Trump réalise ce qu’il dit et dédit, les marchés vont continuer de grimper bon an mal an, soutenus par un capital de travail imposant et des entreprises en pleine forme.

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